Apprendre à désapprendre : la clé du DSI en transformation
Apprendre à désapprendre : la clé du DSI en transformation
Quand je repense à mes premières années de dirigeant, je me vois encore avec cette conviction : accumuler les savoirs, maîtriser la technique, disposer du dernier serveur, du nouvel outil… Je pensais que c’était ça “réussir en informatique”. Aujourd’hui je réalise que ce plus-grand saut n’a pas été d’apprendre mais de désapprendre. Et ce pour le DSI d’aujourd’hui, cela ne relève pas d’un luxe mais d’une condition de survie et de leadership.
Dans les organisations modernes, la technologie ne suffit plus : elle est diffuse, mouvante, fragmentée. Les attentes métier sont fortes, la fenêtre d’opportunité courte, les erreurs coûteuses. Le DSI ne peut plus rester dans l’ombre en garantissant l’infrastructure. Il doit être en avant-plan, en dialogue avec la direction générale, les métiers, le conseil d’administration. Il doit porter la question : “qu’est-ce que la technologie permet de vraiment faire pour mon entreprise demain ?”
Cela impose un double mouvement : apprendre (les nouveaux usages, l’IA, la donnée, l’automatisation) et désapprendre (les silos, le pilotage uniquement par coûts, la posture « je contrôle tout »).
Le paradoxe du DSI moderne
Le rôle du DSI a longtemps été clair : assurer, sécuriser, faire tourner. C’était un métier opérationnel, technique, internalisé. Aujourd’hui, ce rôle change, profondémment. La technologie est partout, les usages se multiplient, la disruption devient la norme. Le DSI est désormais au carrefour : entre infrastructure et business, entre sécurité et innovation, entre IT interne et plateforme ouverte.
Le paradoxe tient à ceci : plus le DSI est techniquement compétent, plus il risque de rester prisonnier de ses acquis. Les modèles qui ont bien fonctionné hier ne garantissent pas qu’ils fonctionneront demain. La vitesse du changement technologique, la fragmentation des usages, la montée en puissance des métiers sur le numérique rendent caduques certaines certitudes. Le DSI qui reste campé sur sa tour technique pourra empêcher l’innovation plutôt que l’accélérer.
C’est pourquoi désapprendre devient une force, non une faiblesse. Reconnaître que certaines pratiques, certains réflexes, certaines façons de penser ne sont plus adaptés, c’est redonner de l’oxygène à la fonction. Ce n’est pas renoncer à la compétence technique, mais redéfinir sa place. Le DSI doit cesser d’être un simple exécutant technique pour devenir un partenaire stratégique, un catalyseur de valeur, un architecte de transformation.
Pourquoi désapprendre est plus difficile qu’apprendre
Dans l’imaginaire collectif, apprendre c’est positif : on ajoute des compétences, on monte en gamme. Désapprendre est plus subtil. Cela revient à retirer des certitudes, à démonter des murs qu’on avait soi-même bâtis. On doit accepter l’incertitude, sortir de la zone de confort, abandonner une partie du pouvoir technique pour déléguer.
Le challenge est multiple :
Il y a les habitudes professionnelles : “nous avons toujours fait comme ça”, “c’est le modèle IT éprouvé”.
Il y a les identités professionnelles : le DSI est celui qui maîtrise, celui qui ne laisse rien passer, celui qui sait tout. Dire “je ne sais plus” est mal vécu.
Il y a les systèmes organisationnels : gouvernance lourde, silos, reporting, contrôle des processus. Ces systèmes sont construits pour la stabilité, pas pour l’expérimentation.
Quand on désapprend, on affronte donc des freins humains, culturels et organisationnels. Mais les DSI qui réussissent dans la transformation comprennent que ce n’est pas la technique qui stagne, c’est la posture. Ils acceptent de devenir fragiles un temps, de déléguer, de restructurer leur rôle, pour mieux rebondir. Le désapprentissage devient alors un acte de courage et d’intelligence.
Trois transformations intérieures pour le DSI
1. Remettre en cause ses certitudes techniques
On peut avoir un réseau très performant, des serveurs redondants, des protocoles rodés. Cela ne garantit pas que demain vous répondrez à la demande métier, aux usages mobiles, aux services cloud, à l’IA, au tout-data. Le DSI doit se poser la question : “Est-ce que mon architecture actuelle permet à l’entreprise de pivoter, de tester, de recommencer ? Ou est-ce que j’ai simplement optimisé le passé ?”
Ce regard critique sur soi-même est l’amorce du désapprentissage. Il faut accepter que la création de valeur ne passe plus uniquement par la performance technique, mais par la rapidité, l’agilité, l’architecture ouverte, l’écosystème. La compétence technique reste essentielle, mais elle change d’échelle : il ne s’agit plus de “gérer le serveur” mais de “structurer un système qui permet au métier d’innover”.
2. Abandonner la posture de contrôle absolu
Pendant des années, la valeur perçue du DSI était pilotée par sa capacité à éviter les erreurs, les pannes, les indisponibilités. Le tableau de bord c’était les incidents, les tickets, les SLA. Aujourd’hui, ce tableau de bord est stérile si la DSI ne se fixe pas des objectifs métiers. Le contrôle absolu devient une entrave : les équipes métiers ne peuvent pas attendre deux mois pour voir une innovation passer le filtre IT. Le marché, les concurrents, les usages n’attendent pas.
Abandonner la posture de contrôle ne veut pas dire abandonner la rigueur. Cela signifie : instaurer des marges de manœuvre, des espaces d’expérimentation, des « zones d’autonomie » pour les métiers, des processus IT simplifiés. Le DSI devient facilitateur plutôt que gardien, médiateur plutôt que censeur. C’est dans cette transition que beaucoup d’organisations butent, car le pouvoir change-main, la gouvernance se reconfigure, les responsabilités se redéfinissent. Mais c’est aussi là que naissent les innovations.
3. Adopter la posture d’apprenant permanent
Les technologies vieillissent vite, les usages évoluent encore plus vite. Le DSI qui reste sur ses acquis techniques de l’an passé sera rapidement dépassé. Adopter la posture d’apprenant permanent, c’est cultiver la curiosité, observer les usages émergents, écouter les métiers, tester, ajuster. Cela veut dire consacrer du temps à la veille mais surtout à la réflexion, aux échanges, à l’expérimentation en réel.
Cette posture d’achat dans l’inconnu permet à l’organisation de se préparer à ce qui vient, plutôt que de réagir à ce qu’il reste. Elle implique aussi d’éduquer ses équipes : jeune architecte, profil data, expert cybersécurité, mais aussi facilitateur usage, designer de processus métier. Le DSI devient un leader de l’intelligence collective.
Comment désapprendre dans la pratique
Déconstruire une posture ne se fait pas en un jour. Voici un plan d’action plus pragmatique, applicable, pour faire basculer cette dynamique.
Première étape : l’inventaire critique. Faites un audit de vos pratiques : combien d’heures passez-vous chaque semaine à “éteindre des feux” ? À valider des tickets ? Et combien à penser la stratégie, à rencontrer les métiers, à co-créer des offres numériques ?
Cet exercice simple est révélateur : beaucoup de DSI se découvrent encore dans une logique de « faire tourner », et quasiment pas dans celle de « faire évoluer ».
Deuxième étape : identifier un petit projet “zone d’apprentissage”. Choisissez un chantier limité dans le temps, orienté usage/métier, avec des objectifs de valeur clairs, des boucles courtes. Ce sera votre laboratoire de désapprentissage. Vous y accepterez l’erreur, vous y délèguerez plus, vous y testerez de nouvelles gouvernances. Le succès n’est pas “zéro incident” mais “apprendre vite et améliorer vite”.
Troisième étape : revoir vos indicateurs. Remplacez-vous les tableaux de bord « tickets clos / incidents / SLA » par « nouveaux usages lancés / délai de mise en production / satisfaction métier » ? Si non, votre pilotage est encore héritier d’une ère antérieure. Le DSI qui veut transformer doit changer ses mesures.
Quatrième étape : instaurer des rituels de réflexion. Une matinée par mois dédiée à l’observation d’usages (internes ou externes), un comité mixte IT/métier pour challenger les choses, des feedbacks rapides sur les prototypes. Le temps stratégique ne doit pas être “une option”.
Cinquième étape : cultiver la culture du désapprentissage dans vos équipes. Parlez-en avec vos collaborateurs. Faites-leur comprendre que leur rôle n’est plus “exécuter” mais “expérimenter”. Encouragez le micro-learning, la veille, le partage d’usage, le retour d’erreur. Cela change le climat, cela change la posture collective.
Le désapprentissage comme levier de leadership
Au final, ce que je veux souligner aux directeurs généraux, aux directeurs de la transformation et à mes pairs DSI, c’est ceci : la vraie valeur du DSI ne se mesure plus à la perfection technique, mais à la capacité à transformer, à libérer l’organisation, à créer de nouveaux usages. Et pour cela, il faut d’abord changer soi-même.
C’est un paradoxe : celui qui s’autorise à ne pas tout savoir devient finalement celui dont on a vraiment besoin. Celui qui rend l’équipe forte plutôt que de rester seul fort. Le DSI qui désapprend un peu chaque jour est celui qui reste pertinent demain.
Quand un DSI fait ce saut, il passe d’un rôle « monsieur IT » à un rôle « architecte du futur numérique de l’entreprise ». Il parle métier, stratégie, valeur, usages. Il fédère et inspire. Il ne s’arrête plus au « ça marche » mais questionne « à quoi ça sert et où on va ».
Comment TransiCIO accompagne ce virage culturel
Chez TransiCIO, nous avons observé que le frein n’est presque jamais technique. Le système d’information peut souvent répondre, se moderniser, se sécuriser. Ce qui bloque, c’est la posture, la culture, la gouvernance. C’est là que nous intervenons.
Nous proposons :
un mentoring individuel pour le DSI, axé sur la posture, la communication, la gestion du temps, le lien avec la direction générale ;
des ateliers d’acculturation et de médiation entre IT et métiers, pour faire tomber les silos, construire un langage commun, co-organiser la feuille de route numérique ;
un diagnostic stratégique qui ne commence pas par la technique, mais par l’usage, la valeur, l’organisation et l’impact métier ;
un accompagnement au changement continu, pour instaurer la culture d’expérimentation et de désapprentissage : former les équipes à ne pas simplement savoir, mais à questionner, tester, apprendre.
En résumé, TransiCIO ne se contente pas de livrer une roadmap technologique, mais accompagne le DSI à réinventer sa place, à devenir ce leader numérique dont l’organisation a besoin.
Passer à l’action
Si vous vous reconnaissez dans certaines phrases : “Je passe plus de temps à éteindre des feux que à imaginer”, “On valide encore tout ce qui vient des métiers avant d’agir”, “On mesure encore l’IT par les incidents plutôt que par les usages”, alors c’est le moment de basculer. Voici ce que vous pouvez faire dès aujourd’hui :
fixez-vous une matinée « hors réunion » chaque mois pour observer ce qui se passe dans l’entreprise autrement ;
identifiez un petit projet que vous allez piloter comme laboratoire d’expérimentation, avec des boucles courtes ;
organisez une réunion mixte IT/métier sans slides techniques, uniquement pour parler besoins futurs, usages, valeur ;
redéfinissez un indicateur qui mesure une innovation métier pour lequel vous êtes responsable, et suivez-le ;
demandez à votre équipe : « qu’avons-nous appris la semaine dernière ? » plutôt que « qu’avons-nous livré ? ».
En conclusion
Apprendre à désapprendre, c’est peut-être la plus belle forme d’intelligence aujourd’hui. C’est celle qui permet non seulement de s’adapter, mais de créer, d’inventer, de porter le futur. Pour un DSI, le enjeu n’est pas uniquement de gérer la technologie, mais de poser la question du sens, de l’usage et de la valeur.
Les DSI qui feront ce saut deviendront les véritables architectes de la transformation, ceux que la direction générale consulte, ceux que les métiers cherchent, ceux que les investisseurs regardent.
Avec TransiCIO, nous vous proposons de franchir ce pas ensemble : pour que vous ne soyez pas seulement le technicien au fond de la salle, mais le leader que l’organisation attend. Contactez-nous via notre page LinkedIn ou via le formulaire de contact du site TransiCIO : https://www.transicio.com/formulaire-contact-entreprise/
Et puisque le changement commence par le dialogue, partagez vos réflexions, vos résistances, vos petits pas dans les commentaires. Nous en ferons tous un peu plus qu’un article : une dynamique.
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