Blackout chez Amazon : un avertissement sur notre dépendance au cloud

Pierre-Alexandre MAS
10/21/2025

Blackout chez Amazon : un avertissement sur notre dépendance au cloud

Lundi noir sur le cloud

Ce lundi 20 octobre 2025, Amazon Web Services (AWS) a connu un blackout majeur qui a fait trembler une bonne partie d’Internet. En quelques minutes, des millions d’utilisateurs et des milliers d’entreprises à travers le monde se sont retrouvés privés de services en ligne. Des applications que nous utilisons tous les jours – des réseaux sociaux comme Snapchat aux plateformes de travail collaboratif comme Slack, en passant par les jeux vidéo Fortnite ou Roblox – ont cessé de fonctionner. Même des outils du quotidien, comme les sonnettes connectées ou l’assistant vocal Alexa, étaient en panne. Ce lundi noir du numérique a illustré de façon saisissante à quel point notre monde dépend de ces infrastructures cloud géantes.

 

En tant que chefs d’entreprise, nous cherchons tous la fiabilité pour nos services en ligne. Voir une panne à si grande échelle paralyser des banques, des compagnies aériennes, des sites e-commerce et même des dispositifs domotiques, cela donne à réfléchir. Un simple incident technique chez un fournisseur unique a entraîné un effet domino planétaire, bloquant des paiements, interrompant des livraisons, clouant au sol certaines compagnies aériennes et rendant muets nos canaux de communication numériques. En quelques heures, une partie du monde s’est retrouvée au point mort, preuve de la dépendance extrême de nos activités économiques aux nuages informatiques gérés par quelques acteurs.

 

Une panne aux causes techniques, mais aux conséquences bien réelles

Que s’est-il passé exactement ? D’après les premiers rapports, la panne a été provoquée par une erreur lors d’une mise à jour technique dans l’un des principaux centres de données d’AWS, situé en Virginie, dans sa région historique US-East-1. Pour faire simple, un composant critique du système a défailli : une sorte d’annuaire numérique (le service DNS, qui fait office de bottin téléphonique d’Internet) n’a plus su orienter le trafic correctement vers une base de données essentielle (Amazon DynamoDB). Privées de cet annuaire, de nombreuses applications se sont retrouvées incapables de communiquer avec les services cloud dont elles dépendent.

 

Le résultat ? Une réaction en chaîne. En perdant l’accès à DynamoDB, plus de cent services d’AWS ont cessé de fonctionner correctement. Les systèmes de répartition de charge (ceux qui régulent le trafic sur différents serveurs) ont également été affectés, aggravant la situation. Malgré la redondance théorique des infrastructures cloud, l’incident initial s’est propagé comme une traînée de poudre à l’ensemble du réseau AWS. Il a fallu environ trois heures à Amazon pour rétablir la plupart des services critiques, puis encore quelques heures pour résorber tous les retards et dysfonctionnements résiduels.

 

Du point de vue technique, cette panne rappelle une leçon simple : même les architectures cloud les plus avancées restent vulnérables à un bug isolé. AWS segmente normalement ses opérations en différentes régions et « zones » isolées pour éviter qu’un incident local ne devienne global. Pourtant, ce blackout a révélé que certaines fonctions fondamentales (comme les annuaires de service) restent centralisées dans un endroit clé. Quand ce point névralgique flanche, c’est tout l’édifice qui vacille.

 

Des pertes colossales à chaque minute d’arrêt

Au-delà de l’aspect technique, arrêtons-nous sur les conséquences économiques de ce genre de panne géante. Pour nos entreprises, chaque minute d’indisponibilité représente du chiffre d’affaires non réalisé, des salariés inactifs, des clients frustrés. Combien a coûté ce blackout d’hier ? Les premiers chiffrages donnent le vertige.

 

D’après une analyse publiée peu après l’incident, ce sont jusqu’à 75 millions de dollars de revenus par heure qui auraient pu être perdus pendant les pires moments de la panne, si l’on cumule les pertes de toutes les grandes plateformes touchées. Rien que pour Amazon.com, la propre vitrine e-commerce du géant, l’interruption de service aurait pu coûter autour de 70 millions de dollars par heure en ventes manquées ! Ajoutez à cela les applications comme Snapchat, Zoom, Reddit ou les jeux en ligne qui étaient à l’arrêt : chacune perdait des centaines de milliers de dollars par heure d’inactivité. Pour les grandes entreprises financières ou les compagnies aériennes, ce sont aussi des millions en productivité envolés : transactions bancaires non effectuées, réservations bloquées, service client indisponible… La facture finale, directe et indirecte, se chiffre en centaines de millions de dollars si l’on considère l’ensemble de l’économie mondiale paralysée durant ces quelques heures.

 

Et encore, comment évaluer le coût immatériel sur la confiance des utilisateurs et l’image des entreprises ? Une banque dont l’application ne répond plus, même temporairement, voit sa réputation écornée auprès de ses clients. De même, le e-commerçant qui rate des commandes ou la startup dont le service est hors-ligne peuvent perdre la confiance durement gagnée de leur audience. Certes, Amazon et les autres colosses du web pourront encaisser le choc financier à court terme. Mais pour beaucoup d’acteurs plus modestes ou dépendants, des heures de downtime peuvent être fatales. C’est un rappel brutal : derrière l’apparente élasticité du cloud « illimité », il y a une réalité bien physique et finie, où chaque heure perdue se paie cher.

 

Tout miser sur un seul cloud : un pari risqué ?

La panne d’hier nous oblige à poser un regard critique sur une tendance de fond : la centralisation de nos systèmes informatiques chez un petit nombre d’acteurs du cloud. S’appuyer sur des leaders comme AWS, Microsoft Azure ou Google Cloud offre certes d’énormes avantages (scale, coûts variables, services innovants à la demande). Mais l’épisode d’hier montre le revers de la médaille : lorsqu’un de ces piliers vacille, c’est tout l’écosystème numérique qui tremble.

 

Ce n’est pas la première fois qu’une telle panne géante se produit. Au cours des dernières années, AWS a d’ailleurs connu plusieurs blackouts majeurs restés dans les mémoires. En novembre 2020 et en décembre 2021, par exemple, des pannes similaires sur la même région US-East-1 avaient déjà paralysé des pans entiers du web mondial pendant des heures. Même en 2017, un incident sur un service de stockage d’AWS avait mis à mal de nombreux sites pendant une journée.

 

Chaque fois, le scénario se répète : l’incident survient dans un data center critique, et malgré toutes les protections en place, il se propage à des services cloud d’apparence indépendants mais en réalité interconnectés. Notre dépendance collective ressort en pleine lumière. Un expert en cybersécurité européen le résumait bien : « cette panne met en évidence les défis liés à la dépendance à un petit groupe de fournisseurs tiers pour des infrastructures critiques ». En clair, à force de mettre tous nos œufs numériques dans le même panier, on s’expose à ce qu’une seule secousse fasse tomber l’ensemble.

 

Il est tentant de se rassurer en se disant que ces incidents restent rares à l’échelle du volume de service fourni chaque jour par AWS ou ses concurrents. C’est vrai, heureusement, et Amazon ne manque pas de le rappeler : le cloud offre un taux de disponibilité élevé, souvent supérieur à ce que la plupart des entreprises pourraient atteindre en gérant elles-mêmes leurs serveurs. Néanmoins, « pas fréquent » ne veut pas dire « impossible », et surtout pas sans conséquence. Les pannes majeures, même rares, ont un impact exponentiel du fait de notre concentration technologique. Un mauvais réglage, une erreur humaine ou une mise à jour buguée, et c’est toute une mosaïque de services qui s’effondre temporairement.

 

En tant que dirigeants, nous devons être conscients que la fiabilité absolue n’existe pas, même chez les plus grands. Cela pose la question de nos stratégies cloud : sommes-nous trop dépendants d’un seul fournisseur ? Avons-nous prévu des solutions de secours en cas de défaillance « systémique » de notre partenaire technologique principal ? Et surtout, comment arbitrer entre les économies d’échelle évidentes du cloud mutualisé et le risque (faible mais potentiellement catastrophique) d’un arrêt brutal ?

 

Souveraineté numérique : le réveil des consciences

La panne d’hier relance le débat sur la souveraineté numérique. Elle illustre cruellement notre dépendance : une simple avarie technique chez un fournisseur américain peut perturber des administrations fiscales, des opérateurs télécoms ou des hôpitaux chez nous.

Aujourd’hui, nos infrastructures critiques sont essentiellement aux mains d’entreprises américaines. À elles trois, AWS, Microsoft Azure et Google Cloud concentrent la majorité du marché mondial du cloud (environ deux tiers des services). Les alternatives européennes ou asiatiques – OVHcloud, Deutsche Telekom, Alibaba, Tencent, etc. – restent à la traîne, loin derrière ce trio de tête.

 

L’enjeu ne se limite pas aux aspects juridiques ou réglementaires; il est aussi stratégique : peut-on accepter qu’une panne outre-Atlantique paralyse nos entreprises, même temporairement ? N’est-il pas risqué de baser toute notre transformation digitale sur des plateformes hors de notre contrôle direct ?

 

Face à ce défi, l’idée d’un cloud souverain gagne du terrain. L’Europe promeut par exemple le projet Gaia-X et certains grands groupes cherchent à relocaliser leurs données critiques sur des infrastructures locales. Même les géants du cloud s’adaptent : Amazon planche sur une offre « European Sovereign Cloud » pour rassurer les gouvernements. Ce sont des avancées positives, mais encore modestes.

 

En tant que dirigeants, nous devons intégrer ces considérations dans nos choix technologiques. Sans renoncer aux atouts du cloud, introduisons une dose de pragmatisme : diversifier nos fournisseurs, garder la maîtrise de la localisation et de la réversibilité de nos données stratégiques, et prévoir des solutions de repli pour les scénarios extrêmes. Le blackout d’AWS d’hier est en quelque sorte un stress test grandeur nature de notre résilience collective. À nous d’en tirer les leçons.

 

Comment réagir ? Vers une résilience accrue

Face à ce constat, quelles actions concrètes pouvons-nous mener, en tant que dirigeants, pour protéger nos activités ? Voici quelques pistes de réflexion et de travail pour renforcer notre résilience face à l’imprévisible :

  • Diversifier les infrastructures : éviter de dépendre à 100% d’un seul fournisseur cloud. Cela peut passer par une stratégie multi-cloud (répartir ses systèmes critiques sur AWS, Azure, GCP ou d’autres), ou par un mix cloud public/infrastructures privées. L’idée n’est pas de doubler tous les coûts, mais de s’assurer qu’une panne unique ne puisse pas tout arrêter.

  • Architecturer pour la redondance : si le multi-cloud est trop complexe, on peut déjà optimiser au sein d’un même cloud. Par exemple, utiliser plusieurs régions géographiques différentes d’un même fournisseur, avoir des backups réguliers stockés hors du système principal, ou concevoir les applications de façon modulaire pour isoler les points de défaillance potentiels.

  • Plans de continuité et tests de crise : disposer d’un plan de continuité d’activité (PCA) spécifique aux services cloud. Cela inclut des procédures claires en cas d’indisponibilité prolongée, et des tests réguliers (simulations de panne) pour vérifier que l’entreprise sait réagir. Trop d’entreprises découvrent en pleine crise qu’elles n’ont pas de plan B, ou que celui-ci n’a jamais été éprouvé.

  • Sensibiliser et négocier avec les fournisseurs : exiger de nos partenaires cloud une transparence sur leur architecture de résilience et leurs engagements de service (SLA). En interne, former nos équipes IT à exploiter pleinement les outils de haute disponibilité offerts par ces plateformes (zones multiples, basculement automatique, etc.). Souvent, les outils existent mais ne sont pas utilisés faute de temps ou de coût immédiat, jusqu’au jour où…

  • Assurance et gestion des risques : évaluer l’option de souscrire une cyber-assurance ou une assurance spécifique pour couvrir les pertes d’exploitation en cas de panne majeure chez un fournisseur. Attention, comme l’ont rappelé des experts juridiques, les contrats standards des cloud providers offrent au mieux des crédits de service (dédommagements financiers minimes) en cas de downtime, bien loin de compenser le manque à gagner réel. D’où l’importance de gérer ce risque par nous-mêmes et via des assurances indépendantes si besoin.

Bien sûr, tout cela a un coût et une complexité. Aucune PME ne pourra du jour au lendemain doubler toutes ses infrastructures juste « au cas où ». Il s’agit donc de faire un travail au cas par cas, pour identifier les applications critiques qui méritent des précautions supplémentaires et celles pour lesquelles un arrêt de quelques heures, bien que regrettable, reste tolérable. La gestion des risques, c’est l’art de la priorisation. Mais l’événement d’hier nous enjoint à prendre ce sujet au sérieux : la prochaine panne arrivera, c’est une certitude (seule l’incertitude réside dans le quand et le ). Mieux vaut s’y préparer tant que tout va bien.

 

Comment TransiCIO peut vous aider à transformer ce risque

Chez TransiCIO, nous avons justement fait de ces enjeux de continuité et de transformation sécurisée notre cœur de métier. En tant que dirigeants, vous avez sans doute déjà sur la table de multiples projets digitaux et une pression constante pour innover. Notre rôle est de vous aider à sécuriser cette innovation, en apportant un regard expérimenté et des bras supplémentaires pour vos projets stratégiques.

Concrètement, comment intervenons-nous sur ces problématiques ? Par exemple :

  • Gestion de crise : lorsque survient un incident majeur (comme un blackout cloud, une cyberattaque ou une coupure système critique), nos managers de transition interviennent en urgence aux côtés de vos équipes. Ils apportent le sang-froid et l’expertise nécessaires pour remettre l’activité sur les rails, communiquer efficacement (en interne comme auprès de vos clients) et tirer rapidement les enseignements de la crise. L’objectif : minimiser l’impact et éviter la répétition du même scénario.

  • Audit de résilience et plan d’action : en amont, nous pouvons évaluer avec vous la vulnérabilité de votre organisation face à ce type de panne. Quels sont vos points uniques de défaillance ? Avez-vous le bon équilibre entre efficacité et prudence dans votre architecture IT ? Suite à cet audit, nous vous accompagnons pour définir un plan d’amélioration : cela peut aller de la refonte de certaines applications vers plus de modularité, à la mise en place d’une stratégie multi-cloud adaptée, en passant par l’amélioration des protocoles de sauvegarde et de reprise d’activité.

  • Accompagnement à la transformation cloud : beaucoup d’entreprises sont encore en chemin vers le cloud ou vers des architectures hybrides. Nos experts pilotent vos projets de migration en veillant à y intégrer dès la conception ces notions de résilience et de souveraineté. Le but n’est pas de freiner la transformation numérique, mais de l’accélérer intelligemment en évitant les pièges d’une dépendance aveugle. Nous vous aidons à choisir les bons fournisseurs, à négocier les bons termes contractuels, et à mettre en place une gouvernance IT qui maintient votre liberté de manœuvre.

En somme, notre mission chez TransiCIO est de faire en sorte que la prochaine panne majeure, inévitable un jour ou l’autre, ne soit pour vous qu’un simple contretemps et non un cataclysme. Nous apportons une approche pragmatique et expérimentée de la transformation IT : l’objectif est que vous puissiez dormir sur vos deux oreilles tout en propulsant votre entreprise dans l’ère du cloud.

 

Ouvrons le débat

Ce blackout d’AWS est-il pour vous un élément rassurant (il en faut plus pour ébranler votre confiance dans le cloud) ou au contraire un signal d’alarme qui vous incite à revoir vos stratégies ? Pensez-vous que les pouvoirs publics devraient accélérer le développement d’alternatives locales par souci de souveraineté, ou bien que le pragmatisme économique doit l’emporter (après tout, ces systèmes fonctionnent 99,9% du temps) ? Comment vos équipes ont-elles vécu la panne d’hier, et quelles leçons comptez-vous en tirer concrètement ?

 

Je vous invite à partager vos retours d’expérience, vos idées et même vos désaccords en commentaires. Le dialogue entre pairs est précieux pour construire ensemble des pratiques plus robustes face à ces nouveaux risques numériques.

 

Chez TransiCIO, nous sommes convaincus que chaque crise est l’opportunité de rebondir plus fort. La prochaine panne ne préviendra pas – mais vous pouvez dès aujourd’hui prévoir comment y répondre. Si vous souhaitez échanger sur ces sujets ou bénéficier d’un regard extérieur sur la résilience de votre organisation, n’hésitez pas à nous contacter via notre page LinkedIn ou via le formulaire de contact sur notre site. Nos experts se tiennent prêts à vous accompagner pour transformer ce risque en avantage concurrentiel.

 

Qu’en pensez-vous ? Vos commentaires sont les bienvenus pour poursuivre la réflexion.

 

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